Le Festival Musique du Bout du Monde : jour 3

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La dimension familiale du FMBM a pris toute sa saveur lors de la journée de samedi, lumineuse et enjouée. Il a fait beau, les enfants s’en sont donné à cœur joie, et l’on a même fait de drôles de rencontres dans la rue de la Reine…

JOUR 3, samedi 10 août. – Familial, ce samedi. Ensoleillé aussi… et chanceux. Car on a bien cru que le ciel allait tomber sur la tête de Gaspé, aux alentours de 15h. La faute à cet orage menaçant, qui a froncé ses nuages sans toutefois matraquer le FMBM avec sa pluie. Ouf.

Aujourd’hui, je vois beaucoup d’enfants. Des enfants radieux, bourrés d’énergie, qui ne manquent pas d’attractions pour semer l’ennui. J’en vois qui se laissent sagement maquiller ou apprivoisent l’escalade avec une facilité déconcertante, d’autres qui se prêtent à une petite séance photo improvisée et déguisée, leurs petites pupilles suspendues à l’objectif d’un photographe lui aussi costumé… Je visualise aussi tous ces adultes déambulant au Marché du monde, succession de tentes déclinant une grande variété de produits divers liés entre autres au terroir, à l’artisanat, aux vêtements ou encore aux bijoux… La rue de la Reine a soudain l’air plus animée sous l’impulsion d’un week-end débutant sa ronde. Le flot continu des visiteurs apporte son écot à la vibration ambiante, enrobée de DJ sets et du Bass Ma Boom Sound System de Vander – épaulé cette année par Papet J -, qui déverse son rythme métissé dans cette artère emblématique de Gaspé (lire notre entrevue plus bas).

AU DOIGT ET À L’OEIL

Et puis je croise de drôles de bêtes, avec un œil à la place de la tête, vêtues de noir et jouant d’un instrument. Je ne suis pourtant pas dans un film de Tim Burton… Je me rapproche, intrigué. Un attroupement s’est formé autour d’elles. Cinq silhouettes montées sur échasses, qui obéissent à un chef d’orchestre haut en couleur, apostrophant son auditoire avec fougue, la tête coiffée d’un haut-de-forme aussi insolite que la scène qui se déroule sous mes yeux, agrémenté de quelques horloges collées sur son feutre.

La compagnie montréalaise des Belles Bêtes est en pleine action, déroulant un répertoire acoquinant des airs connus remaniés – comme Smooth Criminal de Michael Jackson ou Roxane de Police – avec des compositions originales signées Michael Cotnoir, membre de cette tribu singulière fondée en 2007 par Chantal Simard et Frédérique Lapointe. « Les Belles Bêtes, c’était le nom de notre tout premier spectacle, qui mettait en scène des femmes à barbe dans une cage. Celui que l’on présente aujourd’hui a été conçu dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal », m’expliquera un peu plus tard en aparté Chantal.

Rompue au théâtre de rue, la petite famille de saltimbanques varie les formules et les shows au gré de ses rendez-vous. À Gaspé, c’est le quintet à vue qui fait parler ses cordes à plusieurs reprises devant un public attentif et amusé.

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La compagnie montréalaise Les Belles Bêtes a été l’une des attractions de la journée de samedi. Cinq musiciens et musiciennes qui obéissent au doigt… et à l’œil ! © Olivier Pierson

MARIONNETTES DE LA PAIX

L’orage qui menaçait Gaspé a failli retarder, voire annuler le spectacle de Yacouba Magassouba. Autre belle rencontre que voilà. Malien ascendant gentillesse. Gaspé est une grande première pour lui.

Quand je lui demande ce qui l’a le plus marqué dans cette ville, il me répond sa « rivière » en parlant du Saint-Laurent, ce qui me fait sourire. Yacouba est le fondateur de la compagnie de marionnettes géantes Nama. Il en a fabriqué 4, mais n’en a apporté que deux. Elles sont arrivées en plusieurs morceaux au Québec dans de gros sacs de sport, le genre que les hockeyeurs utilisent pour ranger leur équipement de hockey, le genre encombrant. Pas le choix de les démonter vu leur taille. Presque trois fois ma mère : 4 mètres sous la toise pour un poids de 22 kilos. À Gaspé, les festivaliers font connaissance avec Aminata et Yamoudou. Une femme, un homme. Parité respectée. Yacouba porte la première comme un sac à dos, tandis que son amoureuse, une Québécoise elle aussi propriétaire d’une compagnie de marionnettes – Céleste pour ne pas la nommer – se charge de donner vie au second.

Le couple de géants fait forte impression en déambulant dans la rue de la Reine, enveloppant parfois dans leurs mains surdimensionnées la tête d’un enfant ou d’un adulte. Intitulé « Amitié », le spectacle présenté dans le cadre du Festival Musique du Bout du Monde valu à son créateur la médaille de bronze lors des Jeux de la francophonie en Côte d’Ivoire. C’était en 2017. « La trame sonore comporte quatre dialectes du Mali, en plus du français. J’ai créé ce spectacle pour réunir les ethnies de mon pays, dans un souci de paix et de cohésion sociale », me glisse Yacouba au cours d’une conversation informelle, ajoutant au passage qu’il aimerait un jour nouer un partenariat entre son pays et le Canada.

L’avenir dira si Gaspé et son festival emblématique n’était qu’un premier pas dans dans cette quête de rapprochement entre deux cultures. L’amour lui a en tout cas fourni une première réponse…

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Les marionnettes géantes de la compagnie malienne Nama ont déambulé rue de la Reine en laissant dans leur sillage un message de paix. © Olivier Pierson

Infos festival : www.musiqueduboutdumonde.com
Les Belles Bêtes : www.lesbellesbetes.com
Compagnie Nama : www.compagnienama.com


L’ENTREVUE DU JOUR

L’ex Colocs Vander – désormais à la barre du Bass Ma Boom Sound System – et Papet J – membre du célèbre collectif marseillais Massilia Sound System – ont débuté à Gaspé la portion québécoise de leur « Occitanie – Québec Tour », sous-titré « aïoli et érable », dans le cadre du Festival Musique du Bout du Monde. Une escale est aussi prévue à Mont-Louis (vendredi), toujours en Gaspésie, où ils seront en résidence avec l’artiste innu Shauit. Puis ce sera Québec (samedi) et Montréal (dimanche), entre les murs chargés d’histoire et de musique du Quai des Brumes, que Vander connaît comme sa poche. Entre deux bouffées de marie-jeanne, le tandem fortement teinté reggae a accepté de jouer le jeu de l’entrevue, forcément détendue…

Vander et le FMBM

« Ça fait 5 ans que je m’occupe de l’animation musicale de la rue de la Reine. Avant que j’arrive, il n’y avait pas de musique d’ambiance au festival, c’était un peu cacophonique, chaque commerçant avait son ghetto-blaster. Je ne mets pas que du reggae, je m’adapte à la vie du festival, au rythme de la rue. Il y a un vrai travail à faire pour jauger le style de musique à passer en fonction du moment de la journée. J’essaie de ne jamais mettre deux fois la même chose. Ici, je suis dans mon élément car avec le Bass Ma Boom, on a toujours aimé la musique du monde. Ça correspond bien à l’univers des sound system, basé sur le mélange et la rencontre dans la musique. »

Son rapport avec le festival

« J’ai un rapport particulier avec ce festival, car j’ai noué un lien d’amitié avec Stéphane Brochu, son directeur, qui m’a fait découvrir l’envers du décor. C’est un rendez-vous auquel je participe toujours avec beaucoup de plaisir. Ce qui me plaît, c’est de diffuser et partager des morceaux qu’on n’entend pas forcément à la radio, des choses qui sortent un peu de l’ordinaire. »

Ce que Papet J aime chez Vander

« La différence ! », répond sans hésiter le Marseillais à la langue bien pendue, ce qui relève du pléonasme chez un gars du sud. « La différence musicale, mais aussi des voix, des inspirations et des thèmes, sans oublier celle de nos cultures propres. Un sound system, c’est forcément quelque chose d’hétéroclite. »

Papet J à propos de l’ouverture sur le monde du FMBM

« L’ouverture, ça me parle. Je porte ma culture occitane comme un drapeau, mais pas de façon nationaliste. Je milite pour que cette culture soit la plus ouverte possible et curieuse des autres.

Je suis aussi venu en Gaspésie pour un projet bien précis, baptisé Patois to patois. J’ai la ferme intention de faire collaborer Dan Fiyah Beats [un des fondateurs du Bass Ma Boom Sound System], qui va me chanter quelque chose en patois jamaïcain, dans le cadre de cet album que j’espère pouvoir sortir au printemps ou à l’été prochain, et qui devrait comporter une dizaine de titres. Je veux aussi enregistrer un morceau avec l’artiste autochtone Shauit, qui va chanter dans sa langue.

Pour le moment, on a enregistré avec des Tchèques qui chantent un patois de Prague, mais aussi des Piémontais et des Salentini en Italie, ainsi qu’un Sénégalais. On va bientôt se rendre à la Réunion. On a également des contacts en Dominique, avec des basques espagnols et des Jamaïcains. Ce genre de projet me permet d’écrire de nouvelles chansons en occitan, mais aussi de me concentrer sur la langue et de nourrir mon français en même temps.
Je songe également à faire plus tard une compilation avec uniquement des patois de France.

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Le Bass Ma Boom version gaspésienne : de gauche à droite : Papet J, Dédé Vander (derrière), Poupa Greg et Dan Fiyah Beats.

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Olivier Pierson

Journaliste depuis une vingtaine d'années, Olivier a œuvré en France au sein de la presse quotidienne régionale, traitant de sujets aussi divers et variés que le sport, la politique ou les faits divers... C'est désormais à la culture et au tourisme de plein air que ce fondu de marche consacre la majeure partie de son temps, toujours friand de découvertes et de rencontres, mais aussi de nouvelles expériences !


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