Sur la route des poutines : l’esprit casse-croûte

Le blog


Difficile de savoir combien il y a de casse-croûte dans la Belle Province. Des centaines certainement, au moins un par village. Mais ils savent se faire discrets : la majorité des établissements n'ont pas de site web et n'ont, pour attirer le client, que leur emplacement privilégié, avec pignon sur rue. Votre GPS ne vous l'indiquera pas : on ne cherche pas le casse-croûte, c'est lui qui se place sur votre route. Et toujours, en offrant la mythique poutine.

Un arrêt s’impose pour découvrir l’atmosphère du véritable casse-croûte québécois où manger des poutines

agence-de-voyage-parcours-canada-quebec-le-mag

© alison-slattery

DANS L’ANTRE DE LA PATATE FRITE

Les noms sont simples : il peut s’agir d’un « Chez Untel », d’une référence au lieu où l’on se trouve ou, plus prosaïquement, d’une expression empruntée au champ lexical de la patate. Hors des villes, les casse-croûtes québécois ouvrent seulement l’été pour capter une clientèle de vacanciers qui n’oseraient pas se risquer jusque-là dans les bourrasques hivernales.
En effet, souvent, on ne peut même pas rentrer à l’intérieur : on donne son nom et sa commande à une petite fenêtre donnant sur la cuisine où chauffent friteuse et plaques électriques, et on attend d’être appelé. Puis on récupère son plateau et on va s’installer à une table ensoleillée, jamais bien loin des bruits de la route qui nous a amenés là. Ailleurs, on pénètre par une petite porte dans l’odeur de friture et des tables en plastique parsèment un intérieur d’une grande simplicité, sans pour autant qu’il manque de personnalité.

TRIO GAGNANT ET DÉRIVES

La clientèle est formée des mêmes usagers de la route croisés plus tôt, motards aux blousons de cuir prenant une pause, jeunes du village en virée, touristes sur le chemin du retour. Le menu est simple et se décline autour d’une triplette gagnante : poutine, hamburger, hot-dog.
L’exercice laisse toutefois au patron une grande liberté de développer ses propres recettes, comme le super-hamburger (à la garniture gargantuesque), le cheese-dog (un hot-dog dégoulinant de fromage) ou la poutine baptisée du nom du chef (à la discrétion de chacun). Vite préparé, vite avalé, et on repart vers sa destination finale, le ventre un peu alourdi tout de même. Une bonne boisson gazeuse glacée devrait remédier à ce léger inconvénient.

DES MONUMENTS CULTURELS QUI SE PORTENT BIEN

Certaines cantines (autre nom du casse-croûte) valent le détour pour leur atmosphère unique. À Saint-Joachim, tout près du cap-Tourmente, le propriétaire de Chez Médé est restaurateur l’été et travaille dans le grand Nord l’hiver. Les murs de sa gargote sont remplis de photos prises d’avion des étendues glacées du Nunavik.
Au casse-croûte des Filles, à l’Isle-verte en face de l’île du même nom, ce sont de jeunes mères de famille qui s’occupent de la restauration, et la bonne humeur qui règne en cuisine déborde jusque dans la salle. Quant au Vieux Moulin à Pont-Rouge, dans la région de Portneuf, il se spécialise dans les portions démesurées : amateurs de fromage en crotte, vous en aurez pour votre argent !



VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT

On en trouve en ville aussi qui, quand ils gardent leurs portes ouvertes jusque tard dans la nuit, jouent un rôle important auprès des fêtards. Les noctambules montréalais mettent le cap sur La Banquise, véritable institution de la Poutine, chez Paulo fr Suzanne, chez Maam Bolduc avenue de Lorimier, parmi de nombreuses adresses. À Québec, Chez Pierrot connaît sa plus grosse affluence entre 3 et 4 heures du matin, lorsque les bars ferment et qu’une foule éméchée vient déguster la fameuse poutine Pierrot.
À Rimouski, devant la cantine de la Gare, sans doute la plus célèbre de la province, la file de clients ne raccourcit jamais. Il faut dire qu’on y trouve quelques curiosités, comme une poutine à la salade de choux à la fois rassasiante et… rafraîchissante !

Disons-le tout net, visiter un casse-croûte fait partie de l’expérience culturelle québécoise, à cent lieues des fast-foods de chaîne uniformisés qui tentent d’envahir les bords de route… Ils sont encore nombreux, les villages d’Astérix bien décidés à résister !

Avatar

Rémy Bourdillon


A lire aussi