Du cœur et des mollets !


Lancée il y a 4 ans, la Traversée de la Gaspésie en bottines a déjà rattrapé sa grande sœur hivernale (ski de fond et raquettes) en termes de popularité. Près de 200 marcheurs ont pris part à l’édition 2017, qui s’est étirée à l’automne dernier de Bonaventure à Gaspé, en passant par la chaîne des Chic-Chocs. Retour sur cette aventure qui carbure à l’humain avec les mots et les aquarelles de deux participants.

JOUR 1 : De la terre à la mer

Dimanche 16 septembre (16km)

Le grand jour est arrivé pour les 175 marcheurs de la quatrième édition de la Traversée de la Gaspésie en bottines. Comme souvent avec la TDLG, les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Le temps fait grise mine mais la bonne humeur impose sa météo. L’ambiance monte d’un cran après le petit-déjeuner, avec le concours de l’accordéoniste Sylvie Gallant, figure incontournable de cet événement sportif et festif, toujours prête à célébrer la Gaspésie et à galvaniser les troupes. La petite séance d’échauffement tonique prodiguée par Nancy Gauthier, une des animatrices, achève de réchauffer les organismes.

La randonnée du jour, agrémentée d’un concours ludique axé sur l’histoire locale, tient plus de la balade que de la virée épique. Une petite boucle de 16 km pour se mettre en appétit, avec pour entrée en matière la célèbre Baie des Chaleurs, une des plus belles de la planète. Une halte a aussi été prévue au Bioparc de la Gaspésie, où les marcheurs font connaissance avec une quarantaine d’espèces animales indigènes, dont l’ours prénommé Couscous, qui amuse la galerie. Le terminus a été fixé au Café Acadien, où le sens de l’accueil va de pair avec celui de la bonne bouffe. Odette, autre personnage vissé à cette organisation bien huilée, y attend les marcheurs avec un petit shooter (une tradition respectée chaque année par la TDLG) composé ce jour-là de vodka, de canneberge et de Seven up.
Le clou de la journée intervient en soirée sur la plage Beaubassin, où le crépitement d’un feu se mêle au murmure de l’eau et aux chansons traditionnelles de Pierre-André Bujold, qui emmène son auditoire au large sur le dos de sa guitare, en interprétant des titres ancrés dans la mer. Magique !

Jour 2 : la tête dans les nuages

Lundi 25 septembre (18 km)

On entre dans le vif du sujet. Lever aux aurores, départ à 7h45, direction le Parc National de la Gaspésie pour une sortie estimée à 8 heures d’effort. C‘est une autre mer – de montagnes – qui attend les randonneurs : la chaîne des Chic-Chocs, « les Rocheuses québécoises », dixit Claudine Roy, présidente des Traversées de la Gaspésie.

Après 120 minutes de bus, nous nous élançons du lac aux Américains en direction du mont Xalibu, qui culmine à 1140m. Les troupes ont été prévenues : le dernier kilomètre sera soutenu et la montée ardue. C’est une véritable purée de pois qui nous attend au sommet, où le décor se résume à un tapis de roches parfois glissantes avec l’humidité. On ne voit pas à 30 mètres et la fraîcheur ambiante accentuée par les rafales de vent jure avec la canicule qui étouffe Montréal à 800 km de là. Quelques chanceux profitent d’un point de vue exceptionnel au belvédère de la Corniche, avant que les nuages ensevelissent la carte postale.

Au retour, ceux qui le désirent sont invités à emprunter un sentier d’environ 8 km à travers la forêt pour rejoindre le Gîte du Mont-Albert, qui sera durant trois jours le nid douillet de la TDLG.

JOUR 3 : ON A MARCHé SUR LA LUNE

Mardi 26 septembre (17 km)

Pas de bus aujourd’hui. Le départ est donné du Gîte du Mont-Albert (1150 m, 850m de dénivelé) pour une randonnée estimée entre 7 et 8 heures. Il nous en faut environ deux pour atteindre le sommet, via le versant nord, où l’apparition de quelques caribous est reçue comme une offrande. Une petite pause s’improvise et l’ambiance monte d’un cran sous l’impulsion de Claudine Roy, qui a ramené une bouteille de Radoune, un gin du coin. Comme la veille, les vêtements chauds sont de rigueur et l’opacité au rendez-vous. Par chance, l’atmosphère cotonneuse sera de courte durée. La brume se dissipe juste à temps pour révéler aux regards ébahis le décor grandiose et lunaire de la Cuve du Diable, propice à une collation qui ne pouvait pas rêver meilleur balcon.

C’est dans ce paysage aride mêlé de toundra alpine et de serpentine (des roches de couleur orangée) que nous entamons notre descente vers une vallée luxuriante en longeant une chute d’eau. Line, dont c’est la première TDLG, en a pris plein les yeux : « Marcher sur ce plateau est vraiment impressionnant, on se croirait sur une autre planète ! »

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La Cuve du Diable au mont Albert © Virginie Egger

Jour 4 : CIEL CHAGRIN ET CHAGRIN HUMAIN

Mercredi 27 septembre (17 km)

Pas grand-chose à se mettre sous la dent aujourd’hui. La pluie a contraint les organisateurs à alléger le programme pour des questions de sécurité, en faisant une croix sur les monts Arthur-Allen, Blizzard et Pic-de-l’Aube. Mais elle n’a pas douché l’entrain des participants, bien décidés à se dégourdir les jambes au grand air. Les monts Olivine et Ernest Laforce, moins exigeants, font office d’alternative.

La journée est marquée par l’hommage rendu par la TDLG à l’un de ses piliers, Yves Tessier, ex-cardiologue et aventurier condamné par la maladie. Claudine Roy, au bord des larmes, lit une lettre que ce fidèle ami a dictée à sa sœur. L’émotion est à son comble. L’humain si cher à l’organisation s’exprime ce soir-là dans la douleur, rappelant à chacun que la vie vaut d’être vécue.

JOUR 5 : LE VENT DE LA SOLIDARITé

Jeudi 28 septembre (12 km)

Changement de décor. Après les montagnes, la mer ! Direction Grande-Vallée, à deux bonnes heures de route du Gîte du Mont-Albert. Un autre visage de cette Gaspésie contrastée, qui accueille la caravane de la TDLG avec de belles rafales de vent et un soleil généreux. Les vagues ricochent sur le sable et les anses se succèdent. Ce parcours au bord de l’eau s’avère aussi agréable que rassérénant. Les marcheurs ont rendez-vous dans le village de Petite-Vallée, à 7 km de là, où est prévu un petit hommage au Village en chanson, dont le Théâtre de la Vieille Forge, véritable emblème de la musique francophone, est parti en fumée quelques semaines plus tôt, provoquant un raz-de-marée de solidarité au Québec, et même au-delà.
Sur place, chacun dépose un caillou en forme de cœur où il couche quelques mots en guise de soutien. La suite se résume à l’ascension du mont Didier, tout proche, dont la faible altitude (à peine 180 m) cache une côte très abrupte juste avant l’arrivée au sommet, coiffé d’une grande croix. Le terminus a lieu au Camp chanson de Petite-Vallée, avec en guise d’accueil les incontournables shooters et du saumon fumé local.

Puis direction Gaspé, où la soirée sera tranquille en raison de la fatigue accumulée.

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En passant par le village de Petite-Vallée © Virginie Egger

Jour 6 : AU BOUT DU MONDE… ET DE LA FêTE !

Vendredi 29 septembre (20 km)

La plus grosse étape de cette traversée emmène les participants au parc national Forillon. Au programme : l’ascension de la tour du mont Saint-Alban, perchée à 280 mètres d’altitude, avec une vue panoramique époustouflante, mais aussi la découverte du phare de Cap Gaspé et son parfum de bout du monde, étape mise à profit pour pique-niquer malgré le temps frisquet.
Puis direction Grande-Grave et son patrimoine historique, où une petite surprise attend les marcheurs, qui battent la mesure au rythme des musiques traditionnelles jouées par un groupe local composé d’un guitariste et d’un violoniste.

La soirée, placée sous le thème du film Grease, signe l’épilogue de cette folle aventure. Les tenues d’époque sont de sortie, les voitures de collection aussi, ainsi que d’autres objets rappelant les années 50, dont une machine à barbe à papa qui ramène pas mal de convives en enfance en sucrant leurs lèvres. La nuit sera courte, et comme souvent à Gaspé, elle se terminera au Brise-Bise, un bistro (et une institution) où la musique tient également le haut du pavé.

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Le phare de Cap-Gaspé et son parfum de bout du monde © Virginie Egger

 

INFOS ET INSCRIPTIONS : www.tdlg.qc.ca

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Olivier Pierson

Journaliste depuis une vingtaine d'années, Olivier a œuvré en France au sein de la presse quotidienne régionale, traitant de sujets aussi divers et variés que le sport, la politique ou les faits divers... C'est désormais à la culture et au tourisme de plein air que ce fondu de marche consacre la majeure partie de son temps, toujours friand de découvertes et de rencontres, mais aussi de nouvelles expériences !


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