Toronto-Vancouver à bord du Canadien : traverser le Canada en train avec VIA Rail

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Le Canada vu du train, cela vous parle ? C’est une façon parmi les plus authentiques de faire connaissance avec le pays dans toute son étendue. Au rythme doux du rail et au fil des rencontres, la croisière ferroviaire opérée par VIA Rail Canada a pour véhicule un train mythique, Le Canadien. De Toronto à Vancouver, des Grands Lacs jusqu’au Pacifique, cette traversée du Canada en train franchit 4 466 km en 4 jours et 4 nuits. Le Canadien traverse par la même occasion pas moins de cinq provinces et trois fuseaux horaires. Rendez-vous à Toronto, départ imminent.

Historique et pacifique : une autre manière de voyager au Canada avec VIA Rail

Traverser le Canada en train presque intégralement . Prendre le temps de savourer des yeux les grands espaces. Profiter du calme et du confort d’un véhicule d’exception. Rencontrer les habitants du deuxième plus grand pays de la planète et les autres passagers d’un train mythique… À bord du Canadien, le voyageur est plongé dans un autre espace-temps, propice à la contemplation et à la reconnexion. C’est aussi une manière historique de partir à la conquête de l’Ouest. Exploité par VIA Rail Canada depuis 1978, le train transcontinental créé par le Canadien Pacifique (CP) est en effet l’un des grands trains de voyageurs d’Amérique du Nord. Traversant cinq provinces canadiennes, les 4 466 km de son tracé ont une forte dimension culturelle et même politique. Ils font écho à la volonté des pères fondateurs d’unifier le pays, rappelant qu’en 1871, la Colombie-Britannique accepta d’adhérer à l’Union contre la promesse d’une liaison ferroviaire avec le reste du Canada. Avant d’atteindre la porte du Pacifique, le Canadien se faufile donc successivement en Ontario, au Manitoba, dans la Saskatchewan et l’Alberta, laissant se dévoiler le Canada des Grands Lacs et celui des Prairies avant d’atteindre les majestueuses Rocheuses.

Traverser le Canada en train avec VIA Rail : passage sous les Rocheuses - Crédit photo : Via Rail

Traverser le Canada en train avec VIA Rail : passage sous les Rocheuses – Crédit photo : Via Rail

Les ponctuations d’une douce odyssée panoramique

Pour déguster cet immense défilé de paysages, les passagers du Canadien – jusqu’à 500 personnes – ont deux précieux privilèges : les voitures Skyline, dont les dômes transparents vous mettent littéralement aux premières loges et que vous pouvez rejoindre à tout moment, et… le temps ! Car non seulement notre grand tube d’inox et sa quinzaine de voitures affichent une vitesse de croisière d’environ 60 km/h, mais le Canadien laisse la priorité aux trains de marchandises tout au long du réseau, marquant parfois de longues pauses avant de reprendre sa conquête des grands espaces. De ce fait, il est difficile de prévoir l’horaire final de l’arrivée du train et parfaitement inutile d’en faire une source de stress. En cas d’arrivée nocturne à une heure trop tardive, VIA Rail vous distribuera par exemple des bons de taxi pour rejoindre votre hôtel à Vancouver. De quoi observer vraiment le pays, donc, que cela soit en roulant ou le temps des escales, comme à Winnipeg par exemple, où on a tout loisir d’explorer le secteur historique de La Fourche où est située la gare, avec le magnifique Musée canadien pour les droits de la personne à portée de pas. Sudbury JCT., Lookout, Saskatoon, Edmonton, Jasper et Kamloops sont les autres principaux arrêts marqués par Le Canadien jusqu’à son terminus Vancouver. Là aussi, selon le retard pris ou non, les escales peuvent vous laisser plus ou moins de temps pour vous dégourdir les jambes et humer les environs.

Traverser le Canada en train avec VIA Rail : vue depuis le dessus d'un wagon du Canadien - Crédit photo : Via Rail

Traverser le Canada en train avec VIA Rail : vue depuis le dessus d’un wagon du Canadien – Crédit photo : Via Rail

Une initiation au rail canadien à vivre si vous venez de Montréal

Rendez-vous est pris à la Gare Union pour le grand départ. Si vous venez de Montréal, peut-être aurez-vous déjà choisi d’effectuer le trajet jusqu’à Toronto en train. On vous conseille en tout cas de faire ce voyage la veille pour profiter d’une soirée et plus si affinités dans l’effervescente capitale ontarienne. Si Montréal-Toronto n’est pas vraiment plus rapide en train qu’en voiture – environ 5 heures dans les deux cas –, c’est un voyage qui vous initiera au plaisir de la dégustation paysagère tranquille avec VIA Rail et ce, dans le plus confort : sièges spacieux, wifi gracieux et programme généreux de films et de documentaires du portail Internet… La véritable distraction se trouve toutefois de l’autre côté de la vitre. Quitter Montréal par le train offre des points de vue inédits sur le sud-ouest du centre-ville, ses gratte-ciel emblématiques et ceux en construction, une immense zone de fret ferroviaire avec ses empilements de containers, ou encore la minoterie ADM et sa vénérable enseigne « Farine Five Roses » qui rougeoie dans toute bonne skyline montréalaise. On traverse l’île de Montréal happé par le panorama urbain et industriel de la métropole québécoise. Le train marque un arrêt à Dorval, où est situé l’aéroport international Pierre-Elliott Trudeau, avant d’atteindre la province voisine. Il fera escale à Cornwall puis à Kingston, à mi-chemin. À partir de là, il est pratiquement impossible de détacher son regard du côté gauche, la voie ferrée jouant à cache-cache avec la vue sur l’immense lac Ontario et sa ligne d’horizon bleutée. Un océan intérieur qui nous accompagnera jusqu’à Toronto.

À Toronto, la première rencontre avec votre hôtel nomade

L’arrivée dans les bras de la capitale ontarienne est simplement grandiose. Le train se fraye un chemin entre les gratte-ciel du centre-ville et le géant lacustre avant d’atteindre la Gare Union. Construite dans le style Beaux-Arts par le Canadien Pacifique et le Chemin de fer Grand Tronc entre 1913 et 1927, celle-ci en impose. Sa fréquentation surpasse celle de tous les aéroports canadiens. Le moment du départ de ce grand rail-trip qui va nous permettre de traverser le Canada en train approche. Alors que les plus gros bagages sont enregistrés et partent sur des tapis comme à l’aéroport, des sourires complices naissent déjà entre les futurs passagers du Canadien. Ils s’apprêtent à partager une expérience unique et auront, pour faire connaissance, quatre journées complètes au rythme du rail. Pas moins de quatre provinces et trois fuseaux horaires à franchir ensemble jusqu’à Vancouver. Pour l’heure, c’est la découverte de notre long vaisseau d’inox qui occupe chacun. Il a plutôt fière allure, avec sa loco diesel et sa quinzaine de voitures construites pour la plupart dans les années cinquante par le Canadian Pacific avant d’être rénovées 40 ans plus tard par VIA Rail. La compagnie canadienne propose trois classes à ses passagers. Lancée en 2015, la classe Prestige vous loge dans de véritables suites tout confort avec service de conciergerie personnalisée. La classe Voiture-Lits Plus vous invite à dormir en couchette ou en cabine pour une ou plusieurs personnes avec lits escamotables, toilette privée et meuble-lavabo. Et enfin la classe Économie qui, à défaut d’intimité, propose des sièges assez spacieux pour se réveiller sans courbatures. Chaque voiture a son préposé, dont l’une des premières missions consiste à vous demander auquel des deux ou trois services (selon le nombre de voyageurs) vous souhaitez souper. Parfaitement bilingues, les employés de VIA Rail seront aux petits soins avec leurs hôtes durant tout le voyage.

Traverser le Canada en train avec VIA Rail : wagon restaurant du Canadien - Crédit photo : Via Rail

Traverser le Canada en train avec VIA Rail : wagon restaurant du Canadien – Crédit photo : Via Rail

Douce est la vie à bord du Canadien

Le premier repas au wagon-restaurant inaugure ce qui sera un rituel quotidien à bord : une randonnée apéritive pour remonter, dans notre cas, une dizaine de voitures avant de se mettre à table et faire connaissance avec des compagnons de traversée différents à chaque repas. Des tablées de quatre convives sont effet judicieusement formées par les préposés pour faciliter et varier les rencontres. Cuisinés sur place, diversifiés et de qualité, les plats sont le sujet de conversation parfait pour briser la glace, entre un « D’où venez-vous ? » et un « C’est la première fois que vous traversez le Canada en train ? ». Tandis que le Transcanadien s’enfonce dans la nuit, longeant la côte de la Baie Géorgienne du lac Huron pour filer en direction du Nord et s’éloigner des Grands Lacs, les corps s’habituent au roulis de la machine. Contre toute attente, loin de perturber le sommeil, les mouvements et les sons du train agissent comme une véritable berceuse. Outre le restaurant où prendre ses trois repas quotidiens, la voiture bar est l’autre grand point de rencontre entre les voyageurs. Un espace de convivialité souvent animé grâce au programme « Artistes à bord » développé par VIA Rail : en échange de prestations, les musiciens professionnels canadiens peuvent voyager gratuitement ou à tarif réduit. Durant toute la traversée, notre préposé en chef et excellent guitariste aura d’ailleurs régulièrement « tapé le bœuf » avec une non moins excellente violoniste de Toronto participant au programme. Une belle ambiance !

Traverser le Canada en train avec VIA Rail : wagon Skyline avec vue panoramique - Crédit photo : Via Rail

Traverser le Canada en train avec VIA Rail : wagon Skyline avec vue panoramique – Crédit photo : Via Rail

Voir le pays défiler sous ses yeux et se relaxer

La matin suivant la première nuit à bord, le réflexe est le même pour la plupart des passagers avant même d’aller petit-déjeuner : foncer à la voiture Skyline la plus proche pour épier la campagne ontarienne qui se réveille elle aussi. À la lumière du jour, on se rend mieux compte du rythme indolore de la progression. Vitesse de pointe : 60 km/h. L’Ontario, c’est le gros morceau de notre traversée en train du Canada. À force de répéter que le Québec est la plus vaste province du Canada, on en oublie que ses voisines n’ont pas à rougir de leurs mensurations. Le territoire ontarien dépasse le million de kilomètres carrés et le franchir en train prendra quasiment deux journées. Après avoir traversé une portion du parc provincial Wabakimi, l’arrêt à Sioux Lockout est le signal qu’il ne reste plus que quelques heures avant de dire au revoir à l’Ontario et « allô » à sa voisine occidentale. Et voici Winnipeg, Manitoba. Le train a accumulé assez de retard pour que l’escale soit moins longue que prévu. Elle permettra quand même d’explorer les galeries commerciales de la Fourche, alias The Forks Market, des bâtiments patrimoniaux abritant de jolies boutiques, cafés et restaurants. Retrouver ses sensations de piéton sur la terre ferme et respirer l’air de la ville, voilà qui s’avère quasiment exotique après plus de 40 heures sur les rails en rase campagne. Pour notre véhicule, c’est l’occasion de remplir le réservoir et d’accueillir un nouvel équipage, pas moins attentionné que le précédent. Cette troisième journée sur la ligne du Canadien sera la dernière dans les grandes plaines centrales. Malgré la monotonie hypnotique des décors traversés (surtout si vous faites ce voyage en hiver), une légère excitation commence logiquement à poindre… De façon générale, si vous êtes du genre pressé-stressé, le transcanadien fait son office de thérapie douce. Le décor encore emmitouflé défile comme un poème récité lentement, laissant au regard le temps de suivre ici un animal, là des chalets bordant un lac ou encore de gros camions qui progressent sur une route parallèle et qui… vous doubleront fatalement. Pas de wifi et si peu de réseau mobile sur le trajet que la déconnexion l’emporte vite sur toute autre velléité. Alors repos, lecture, contemplation et place à l’humain au hasard des rencontres et des échanges.

Traverser le Canada en train avec VIA Rail : échanges entre passagers- Crédit photo : Via Rail

Traverser le Canada en train avec VIA Rail : échanges entre passagers- Crédit photo : Via Rail

Découvrir un nouveau monde à mesure que l’Ouest approche

Les panoramas immaculés du Canada agricole continuent de défiler doucement alors que le train s’applique à franchir une nouvelle province, connue elle aussi pour ses vastes prairies méridionales et ses reliefs plus accidentés au nord. C’est pile entre les deux, au beau milieu de la Saskatchewan, que nous entraîne la locomotive. L’escale à Saskatoon de cette traversée en train du Canada sera elle aussi de brève durée. L’Alberta nous attend de pied ferme et déjà se signale au passage d’une petite gare patrimoniale dont l’architecture tranche avec toutes celles croisées auparavant : Wainwright, ville de moins de six mille âmes fondée en 1905 et qui abrite une garnison de la 3e Division de l’armée canadienne. À portée immédiate du quai, un mignon musée historique vaut le coup d’œil. En Alberta, au fil des gares, des hameaux et des fermes, ce Canada des champs basculant à l’ouest affirme de plus en plus sûrement son folklore rural. Notre conseil à ce stade du voyage est de vous rendre dans la voiture Skyline la plus proche, d’inviter Neil Young – natif de Toronto – dans vos écouteurs, et de laisser couler le long-métrage panoramique. 200 km plus loin, tandis que le jour décline, la capitale de la province met fin aux rêvasseries. Pour certains passagers, Edmonton est le terminus du trajet. L’un d’entre eux nous salue « in french ». Avant de partir retrouver son foyer, il nous explique que la ville abrite une minorité francophone loin d’être négligeable – environ 16 000 Franco-Albertains – avant de préciser que ce territoire exploré au XVIIIe siècle par les frères de la Vérendrye utilisa majoritairement la langue de Molière jusqu’à la fin du XIXe siècle. Pendant ce temps, de nouveaux visages ont rejoint la joyeuse troupe pour le dernier tronçon de la traversée. Voilà qui promet de renouveler les conversations au restaurant ou au bar ! Une fois quitté l’Alberta urbain, les derniers kilomètres de plaine étourdis par la nuit hivernale nous préparent à la grande frustration de ce voyage : c’est dans le noir complet que le train va accrocher les premiers reliefs des Rocheuses canadiennes. C’est le moment d’être jaloux de ceux qui effectuent le trajet dans le sens inverse ou en été, car ils bénéficient de la lumière du jour pour ne rien manquer des décors insensés du parc national de Jasper. Ses 10 878 km2 en font l’un des plus vastes du pays et ses glaciers, sources chaudes, lacs, chutes et sa faune sauvage (wapitis, orignaux et caribous, ours et grizzlis, chèvres de montagnes…), sans doute le plus spectaculaire.

Traverser le Canada en train avec VIA Rail - Crédit photo : Via Rail

Traverser le Canada en train avec VIA Rail – Crédit photo : Via Rail

Bienvenue en Colombie-Britannique : le bouquet final de cette traversée du Canada en train

Si la dernière nuit complète à bord du Transcanadien a été synonyme de sommeil en pointillé, ce sont l’excitation d’atteindre enfin la Colombie-Britannique et la peur de rater les premières lueurs de l’aube qui en sont les seules responsables. À la fraîche, rassemblés sous le dôme panoramique, d’autres passagers ont eu la même idée. Le festival de « wow » commence ! Le train se faufile dans les gorges étroites de la rivière North Thompson alors que le jour se lève, laissant apparaître de majestueuses montagnes – Monashee, Hallam Peak, Gold Peak… – et égrainant bientôt les localités aux noms évocateurs : Tête Jaune Cache, Blue River, Clearwater, Chu Chua, Chinook Cove… Nous voilà au cœur du sujet. La vraie conquête l’Ouest à la manière des chercheurs d’or d’il y a 150 ans, service petit-déjeuner en prime. Un arrêt carburant à Kamloops permet de prendre la température de ce nouvel univers dont les reliefs et les teintes rappellent ceux des westerns. Premier constat : elle est plus douce ! La neige a pratiquement disparu du sol et le bonnet se fait moins indispensable.

Le chemin de fer épouse ensuite l’un de ses tronçons les plus magistraux du parcours, le long de l’immense lac Kamloops. On a tout loisir d’observer à gauche ses rives, où tentent de s’accrocher les derniers glaçons de la saison, et tout un chaos de reliefs érodés à tribord, façon grand canyon. Il ne manque que les cactus pour se croire au beau milieu de l’Arizona.
Le Canadien pique à présent en direction du sud, reprenant le fil de la Thompson River. Le reste de cette journée à épier les couleurs du nouveau monde passe en un clin d’œil. L’arrivée en Colombie-Britannique nous a tout simplement fait changer d’espace-temps. Direction le wagon-bar pour constater que ce ressenti est partagé. C’est dans la bonne humeur, au milieu d’un décor de cinéma (et en musique) que nous achevons de traverser le Canada en train, au rythme de cette croisière ferrée à la fois zen et jalonnée de surprises. Au milieu de la nuit, la lente progression du train dans les abords industriels et portuaires de Vancouver met tous les sens en éveil. Le retard accumulé par le Canadien devient alors la prolongation d’un véritable plaisir, celui du voyageur immobile qui laisse l’immensité défiler devant lui. Aux antipodes de l’hiver montréalais, le doux parfum du Pacifique accueille des croisiéristes aux petits yeux remplis d’étoiles.

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David Lang

Journaliste spécialisé voyage et art de vivre, David se régale avec le Québec depuis plus de 15 ans. Après plus de 40 voyages à travers les régions et les saisons de la Belle Province, il devance largement Jacques Cartier et s’avoue toujours aussi bluffé par les expériences et les rencontres à vivre sur ce territoire hors nome. David le rédac’ chef anime une équipe de rédacteurs et de photographes avec qui il partage sa soif de découvertes chez les cousins.