Les Îles-de-la-Madeleine en bus : 20h pour rejoindre le paradis


Si vous programmez de partir aux Îles-de-la-Madeleine, le bus est une solution. Notre journaliste Olivier Pierson en a fait l’expérience. Près de 20h de trajet pour relier Québec à l’île de Cap-aux-Meules, porte d’entrée de ce petit paradis.

Moins cher que l’avion et plus confortable qu’une voiture, l’autobus est une solution à considérer quand on veut se rendre aux Îles-de-la-Madeleine. Seul préalable : ne pas être allergique aux longs trajets. En incluant les deux heures d’attente au port de Souris, sur l’Ile-du-Prince-Édouard, on avoisine les 20 heures, dont 5 sur le traversier CTMA (Coopérative de transport maritime et aérien). Si vous aussi êtes tenté par cette expérience, voici à quoi il faut s’attendre.

C’est pas l’ascension de l’Everest non plus, d’autant qu’une bonne partie du voyage se déroule de nuit, d’habitude consacrée au dodo, même si dans un bus, aussi confortable soit-il, le sommeil n’est pas le plus réparateur qu’on ait connu.

L’EMBARRAS DES SIÈGES

Jeudi 6 septembre, 21h30. Nous quittons la gare d’autobus de Sainte-Foy. Le nôtre se dirige vers Rivière-du-Loup, petite ville dynamique du Bas-Saint-Laurent située à deux heures d’autoroute, où un arrêt est prévu pour récupérer du matériel. À l’intérieur, les rangs sont pour le moins clairsemés. Sept passagers ! On ne devrait pas être gêné par le coude du voisin. Sans doute les prémices d’une saison touristique qui tire à sa fin.

Derrière son volant, le chauffeur arbore une épaisse moustache blanche et un patronyme qui titille mes racines : Lafrance. Cinq ans que ce natif des Îles-de-la-Madeleine rompu à la conduite (« J’ai chauffé tout ce qui pouvait être chauffé ») enchaîne les trajets éreintants à destination de l’archipel madelinot, perdu au milieu du golfe du Saint-Laurent.

Je grimace en constatant l’absence de wi-fi à bord. Pas de petite séance ciné ce soir sur mon iPad. Pas grave, j’ai prévu d’autres options pour tuer le temps : une belle panoplie de podcasts, de la musique, et un bouquin de 500 pages dont le sujet – la Shoah – me semble aussi pesant que la nuit qui règne dehors. J’opte finalement pour une première tentative de sommeil. C’est pas gagné : dans un bus comme dans un avion ou une voiture, je dors en pointillés. Mon repose-nuque n’y changera rien. J’envie presque cette passagère, située une rangée derrière moi, qui a enfoncé sa tête dans un gros oreiller.

TROIS PAUSES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

La première véritable pause a lieu à Edmundston, au Nouveau-Brunswick, seule province officiellement bilingue au Canada. Il est 1h45, l’air est frais et nous avons droit à 40 minutes pour nous dégourdir les jambes. Le décor se résume à un parking éclairé et un Tim Hortons assoupi où la plupart d’entre nous va soustraire un café ou une petite collation. Quarante minutes plus tard, nous voici à nouveau sur la route.

Le prochain arrêt est prévu au Big-Stop d’Irving-Oil, à Lincoln près de Fredericton. Nous y sommes vers 5 heures. Cette fois, l’escale dure une demi-heure. À peine descendu du bus, je tombe sur une scène cocasse : un castor et un orignal pagayant dans un canot. Sympa le comité d’accueil. Je comble un appétit renaissant avec un muffin accompagné d’un café à la vanille française, un classique dans cette chaîne de restaurants canadienne.

Le prochain arrêt a lieu au grand jour. Le restaurant Jean’s à Moncton nous accueille dans un décor monotone. Il est 7h et nous disposons de 60 minutes pour prendre un petit-déjeuner qui nous requinque.

Charmant comité d’accueil au Big-Stop d’Irving Oil, près de Fredericton au Nouveau-Brunswick © Olivier Pierson

LA PRESQU’ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

Charlottetown apparaît devant nos yeux vers 8h30. La capitale de l’Île-du-Prince-Édouard, qui n’en est plus vraiment une depuis que le pont de la Confédération, long de 13 km et inauguré en 1997, la relie au continent. Un ouvrage impressionnant que j’aurais aimé voir si le sommeil qui m’avait fui une bonne partie de la nuit ne m’avait pas rattrapé alors que nous traversions le détroit de Northumberland. Tant pis… C’est à Charlottetown qu’apparaît le premier panneau indiquant Souris et les Îles-de-la-Madeleine. Nous approchons du but et cette perspective me redonne de l’aplomb, en même temps qu’elle me réjouit. Derrière les vitres de notre autocar défilent les paysages agricoles, dont des fermes équestres, de cette province séduisante et proprette, jusqu’aux pelouses, qui ont l’air de préparer un concours de beauté.

PAUSE CAFÉ À SOURIS

Nous arrivons avec un quart d’heure d’avance sur l’horaire prévue (11h) dans le port de Souris, où le grand stationnement réservé aux véhicules en partance pour les Îles est quasi désert. L’embarquement n’est prévu qu’à 13h, ce qui nous laisse du temps pour nous imprégner des lieux, une petite localité d’à peine 1 300 âmes.

Je décide d’aller marcher vers le centre-ville (enfin c’est un grand mot) en laissant sa chance au hasard. Ce dernier me présente l’Evergreen Cafe, reconnaissable à sa façade bleu-ciel et ce portail forgé surmonté d’un mot qui donne le ton de l’accueil à venir : Welcome. Confirmation à l’intérieur, où les sourires sont la règle derrière le comptoir.

De retour au port, l’ambiance a changé. Le parking est bien garni, avec une prédominance de plaques d’immatriculation québécoises. Le traversier CTMA finit par pointer le bout de son nez pointu, déversant sur la terre ferme une noria de véhicules en tout genre. Après avoir longuement dégluti sa cargaison roulante, le voilà qui en absorbe une autre. Notre autobus est le premier à embarquer. Il est 13h20, et il faudra près d’une demi-heure pour lui remplir la panse dans un ballet réglé au millimètre.

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Sur le traversier CTMA, qui assure des liaisons hebdomadaires entre Souris et les Îles-de-la-Madeleine © Olivier Pierson

14h : le bateau, placé sous le commandement du capitaine Arsenault, se met en branle, laissant dans son sillage une longue traînée blanche. La météo est au beau fixe, le cocktail soleil + ciel bleu incitant une partie des passagers à se repaître du vent de l’évasion sur les ponts. Bientôt, quelques notes de musique se feront entendre dans la section du bar. Ici et là des gens relaxent, bouquinent, s’accordent une sieste, cassent la croûte au restaurant ou sirotent un café près de la salle de repos, où je finirais par m’affaler pour rattraper le sommeil perdu, avec un hublot pour compagnon de rêverie.

Vers 18h30 apparaît l’île d’Entrée, la seule qui ne soit pas reliée au reste de l’archipel madelinot. Parvenu à sa hauteur, nous distinguons des maisons. Aussi petit et dénudé soit-il, ce confetti de terre (7 kilomètres carrés) est habité par une petite communauté anglophone. Le vert chatoyant de ses collines et sa butte Big Hill – la plus haute des Îles (174 mètres) – agrippent les regards. Une agréable mise en bouche avant le grand festin, qui débutera sur l’île de Cap-aux-Meules. Après ça, chacun vivra à sa manière ce petit paradis décoiffant, au propre comme au figuré.

Seule île à ne pas être reliée au reste de l’archipel madelinot, l’île d’Entrée est la première à se dévoiler aux regards. Une poignée d’Anglophones y résident à l’année. © Olivier Pierson

Le transporteur madelinot Autobus Les Sillons assure des liaisons hebdomadaires vers les îles durant l’été, avec des départs de Québec les jeudis soir à 21h30.

Pour en savoir plus : www.autobuslessillons.com

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Olivier Pierson

Journaliste depuis une vingtaine d'années, Olivier a œuvré en France au sein de la presse quotidienne régionale, traitant de sujets aussi divers et variés que le sport, la politique ou les faits divers... C'est désormais à la culture et au tourisme de plein air que ce fondu de marche consacre la majeure partie de son temps, toujours friand de découvertes et de rencontres, mais aussi de nouvelles expériences !


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